Mater Castissima "Ora pro nobis" - 1853 - "Champvaux", lieudit de la commune de Barretaine (Jura). Cliché : 1997.
MATER CASTISSIMA
(Mère très chasste)
Spiritualité-Contemplation.
156 pages dont 40 de photographies.
Numérisation, avec augmentation, du livre paru au 2ème trimestre 2005 – Dépôt légal : 05 05 593 – ISBN 2-9516161-0-4. Imprimé par les Presses numériques de
DICOLORGROUPE à Ahuy (21 – France) – Mise en ligne : 8 Juin 2020. Format PDF téléchargeable sur : www.nicolas-sylvain.jimdo.com
Quelques messages reçus :
« Vous avez tenu parole et, comme promis, vous nous promenez dans vos souvenirs de lointaine et prochaine piété mariale. J’avais été sensible à ce que vous annonciez : dosage de poèmes, de prières, de textes variés et de photographies. Vous semblez vous plaire à la saison de la terre qui prépare dans sa chaleur secrète ses futures germinations. Je vois là une belle affirmation de la volonté de votre espérance. Car il y a aussi de l’hiver en vos prières et en vos poèmes et aussi, beaucoup dans les clichés ».
Dominique Bertrand.
Sources chrétiennes – Lyon.
« J’ai voulu ‘m’arrêter’ pour lire, méditer, contempler vos magnifiques photographies et revenir sur les pas de notre enfance où les promenades nous découvraient ces lieux splendides par leur simplicité que vous décrivez si bien ».
Claude Bosc
Bibliothécaire diocésain – Lons-le-Saunier (Jura)
« J’ai beaucoup apprécié toute la poésie qui court en chaque page et ces admirables images où vous avez su faire ressortir la beauté et fixer le regard sur la contemplation. J’aime que vous mettiez en relief tout ce que nous apporte la dévotion mariale. Nombreux sont les fidèles conscients de ce qu’ils ont reçu d’Elle : éducation et formation de la conscience. »
Père Jean Peduzzi
Maison du Clergé, Dijon (Côte d’Or).
« Thank you very much for « Mater castissima » and congratulations. Personal witness is the first and foremost form of the theology. Best and blessings.”
Rev. Father Johann G.ROTEN, SM
Director The Marian Library International
Dayton ‘USA)
Format PDF téléchargeable
sur :
Mater castissima - Cliché : 1996
AVE MARIA
L’ORAISON
Modalités, motivations, finalité.
CONVENANCES ET BONNES MANIÈRES.
Examinons déjà l’aspect littéral de ce mot : « oraison ». Du latin « oratio », et surtout du verbe « orare » signifiant, tantôt « parler », tantôt « prier ». Il faut relever qu’il existe des prières parlées – elles sont nombreuses et de plusieurs formes – mais l’orientation de la présente étude est de s’approcher de la prière silencieuse et la plus secrète, la plus sincère et la plus viscérale : l’oraison du cœur.
Par égard pour Monseigneur Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704), modérateur – et non promoteur du Gallicanisme – il est requis d’isoler la vogue des oraisons funèbres à l’époque du Roi-Soleil.
Vaste construction dithyrambique destinée à être déclamée en chair ; l’oraison funèbre visait à l’éloge d’un illustre défunt. En dehors de l’Eglise, une oraison civile peut être dite. Il me souvient, par exemple, de celle produite avec une emphase peu coutumière par André Malraux, dans le début des années soixante, en hommage à l’architecte Le Corbusier. Le fameux « bonne nuit, Le Corbusier ! », soutenu d’un lugubre trémolo reste dans la mémoire des témoins de l’époque.
Contemporain de Bossuet, il semble que Louis Bourdaloue (1632-1704) surnommé « le roi des prédicateurs et le prédicateur des rois », supplantât, de son vivant, l’Aigle de Meaux.
« Oraison » et « prière » sont plus que synonymes puisque le second vocable est la traduction du premier. Nous employons couramment les prières de demande, d’intercession, d’action de grâce et de louange. Malheureusement la prière quémandeuse est la plus souvent utilisée. Trop de fidèles – et de gens du commun des laïcs non pratiquants – ne connaissent de l’oraison que son but intéressé. « Je prie pour être nommé directeur de mon agence »… « Je pris pour gagner à la loterie »...
Quelle image de Dieu faisons-nous transparaître d’une telle démarche mercantile ? Et je ne parlerai pas de la prière-marchandage.
Toujours dans le verbe prier, considérons les nuances littérales autres que celles pour quémander. Qu’eussions-nous, à l’égard de Dieu, des convenances et prévenances raffinées ! Cela produirait d’heureuses formules, de cœur et de bouche : « Mon Dieu je vous prie de recevoir toute ma reconnaissance pour les grâces et les aides que vous m’envoyez quotidiennement et dont je n’ai pas toujours juste conscience »… « Mon Dieu je Vous prie d’agréer toutes les louanges dont je suis capable pour Vous glorifier ! »… « Mon Dieu je Vous prie de considérer la sincérité de ma foi, malgré les faiblesses faisant souvent de moi un croyant tiède voire cyclothymique »… Pourquoi ne nous mettrions pas en frais formels pour Dieu ? Pourquoi ne l’approcherions-nous pas avec le respect et le maintien exigé dans l’entourage d’un roi terrestre ? Ce Bon Dieu que l’on prend, comme qui badine, pour un distributeur de conforts matériels, ne mérite-t-il pas l’emploi à son adresse, de toute une terminologie révérencieuse ? C’est à dessein que je hausse le ton ; si je considère la réalité du quotidien relationnel avec Dieu dans notre décadente société permissive. Thérèse d’Avila écrit dans le Chemin de la Perfection, chapitre XXXII, 1er paragraphe :
« Quel est l’homme, si inconsidéré qu’il soit qui, voulant demande r une grâce à une personne grave, ne songerait tout d’abord à la manière de lui présenter sa requête pour lui être agréable et ne le froisser en rien ? »
Comment nous comporterions-nous si Dieu prenait tout près de nous les apparences d’un personnage terrestre important ; celles d’un roi, par exemple ? Quelle serait la contenance du Français moyen devant son Dieu ? Que l’on m’enseigne le respect dû à Dieu avant de m’initier aux techniques de l’oraison ! Satan doit ricaner en voyant de plus en plus dans nos prières tant d’insidieuses tonalités irrévérencieuses… Je remarque avec plaisir la définition – au mot « prière » - du Dictionnaire encyclopédique Quillet 1970 :
« Acte de religion par lequel on s’adresse à Dieu pour l’adorer, pour lui demander de nouvelles grâces, ou pour le remercier de celles qu’on a reçues de Lui. »
Le malheur veut que le Français moyen ne consulte plus tellement le dictionnaire de la langue française – encore moins celui des convenances et bonnes manières… Or, pour prier Dieu avec de belles paroles, de belles formules, de belles intentions ; on ne se présente pas devant Lui en débraillé. Que l’on ne me prêche pas la charité, l’élan mystique, les pieux exercices, la sincérité du cœur, la transparence de l’intention ; si l’on a toléré, au préjudice de Dieu, l’impolitesse, l’irrespect, la vulgarité !... L’invité aux noces de la Parabole qui n’avait pas revêtu son habit de cérémonie a bien été jeté dehors… Et je ne m’étendrai pas sur la misérable ambiance que l’on rencontre dans certaines églises où il est absolument impossible de se recueillir et de prier.
C’EST DIEU QUI FAIT TOUT, MAIS SOUS RÉSERVE QUE…
Il en va de la pratique de l’oraison comme de la maîtrise d’un voilier ; quelle que puissent être la compétence du marin et les performances techniques de l’embarcation, cette dernière restera piteusement sur le rivage, si le vent ne vient pas à souffler suffisamment fort et dans le bon sens. C’est le verset du Veni Creator : « Infirma nostri corporis virtute firmans perpeti » (Soutenez sans cesse par votre vertu la faiblesse de notre chair). La grâce de l’Esprit Saint est ce vent fort qui propulse l’oraison dans les eaux nourricières et insondables de l’immensité de Dieu. C’est à la fois désolant pour la fierté de l’homme et consolant pour son inéluctable et incessant besoin de Dieu : même pour prier, l’homme a besoin de la prière :
« Ȏ ! Mon Dieu
aidez-nous !
Pardonnez-nous secourez-nous !
Ayez pitié de nous ! ».
Mais à prier d’encore plus près il conviendrait de dire :
« O ! Mon Dieu
Aidez-nous à Vous prier de nous aider ! ;
Aidez-nous à vous demander du secours !;
Aidez-nous à vous prier d’avoir pitié de nous !... »
Mais sous le ciel, impensable, de Dieu, sous la myriade des lumières stellaires de sa miséricorde ; il est, tout bas très bas dedans la nuit terreuse de l’humanité, une luciole que va observer Dieu : la capacité d’amour de cet homme – capax dei – qui peut aller jusqu’à le consummer, cet homme – cf. Elisabeth de La Trinité :
« Ȏ ! Mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité.
(…/…)
Ô Feu consumant, Esprit d'amour, «survenez en moi» afin qu'il
se fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe : que je Lui sois une humanité de surcroît en laquelle Il renouvelle tout son Mystère.
Et vous, ô Père, penchez-vous vers votre pauvre petite créature,
«couvrez-la de votre ombre», ne voyez en elle que le «Bien-Aimé en lequel vous avez mis toutes vos complaisances»
Ô
mes Trois, mon Tout, ma Béatitude, Solitude infinie, Immensité où je me perds, je me livre à vous comme une proie.
Ensevelissez-vous en moi pour que je m'ensevelisse en vous, en attendant d'aller contempler en votre
lumière l'abîme de vos grandeurs.
Certes, cette capacité de l’homme à communier ainsi avec Dieu relève d’une quête incessante douloureusement conquise par les vrais saints ; quoiqu’il en soit il appert que l’amour de l’homme pour Dieu attire et attise le vent de l’Esprit qui va propulser le voilier de l’oraison sur les ondes divines et peut-être jusqu’en île de l’extase. L’Esprit-vent fort moteur de l’oraison ; l’amour capteur de cet Esprit propulsant : deux conditions grandioses pour l’oraison.
Transportons-nous dans la chapelle du Saint-Sacrement de l’église Saint-Michel à Dijon. Nous sommes le dimanche 12 février 1899. Tout à droite le long du mur, nous apercevons une petite jeune fille, elle a dix-neuf ans. Elle écrira ce soir, une fois rentrée chez sa mère, rue Prieur-de-la-Côte d’Or :
« …Le soir je faisais une bonne demi-heure d’adoration au Saint-Sacrement avant l’office de 8 heures ; qui pourrait dire la douceur de ces cœur-à-cœur pendant lesquels on ne se croit plus sur terre, et où l’on ne voit plus, on n’entend plus que Dieu ! Dieu qui parle à l’âme, Dieu qui lui dit des choses si douces, Dieu qui lui demande de souffrir ! Jésus enfin qui désire un peu d’amour, pour le combler… (Elisabeth de La Trinité – Journal).
Hélas ! Nous ne sommes pas des saints. Et nos désirs de navire-oraison, et nos brèves secondes de vitesse de croisière en spiritualité sont noyés – c’est bien le moins – sous des heures et des jours et des mois de barbotage…
La prière administrative – plus encore que la faiblesse humaine – est le plus dur moyen de lasser l’oraison. Pas d’oraison sans amour ! L’Esprit est la participation de Dieu, mais l’amour pour Dieu relève du libre arbitre de l’homme… Or donc, afin de réussir une oraison, l’homme manifeste son amour de Dieu et Dieu envoie son Esprit. Ouvrir son amour à Dieu c’est se retirer au plus divin de soi-même (n’oublions pas que nous sommes de la Maison de Dieu – Ep. 2,19). Dieu nous a donné la liberté de L’aimer – comme de Le refuser.
Choisissons d’aimer Dieu ! Et, L’aimant, nous partirons sans crainte sur les océans d’oraison. Malgré Satan « …quia adversarius vester diabolus tamquam leo rugiens circuit, quaerens quem devoret ». (...Votre adversaire le diable tel un lion rugissant qui rôde, cherchant qui dévorer »). Satan qui, par exemple, au sujet des modalités d’expression d’amour à Dieu, oppose « exaltés » de certaines communautés nouvelles aux « administratifs et fonctionnaires » des monastères traditionnels. Si nous prenons de la distance dans l’expression de notre amour pour Dieu ; notre amour ne sera qu’un don tendu à Dieu avec des gants. Dans la prière à laquelle je fais allusion, la prière communautaire et parlée, il convient donc de trouver le juste milieu entre le débit « moulin à rata » des pharisiens et la déclamation « qui grimpe aux rideaux ». Quant au choix des prières, notons en passant que toutes les prières sont bonnes à partir du moment où elles sont licites et dites avec le cœur. Ainsi donc, dans la véritable oraison, le vent de l’Esprit souffle, de Dieu vers l’orant – vers l’orante car je retiens de nouveau un autre témoignage d’Elisabeth de La Trinité :
« L’oraison, comme j’aime la façon dont Sainte Thérèse d’Avila traite ce sujet, lorsqu’elle parle de la contemplation, de degré d’oraison dans lequel c’est Dieu qui fait tout et où nous ne faisons rien, où Il unit notre âme si intimement à Lui que ce n’est plus nous qui vivons mais Dieu qui vit en nous, etc…Oh, j’ai connu là des moments d’extase sublimes pendant cette retraite et depuis encore ! Que Lui rendre pour tant de bienfaits ?... Après ces extases, ces ravissements sublimes pendant lesquels l’âme oublie tout et ne voit que son Dieu, ah comme l’oraison ordinaire paraît dure et pénible, avec quelle peine il faut travailler à réunir toutes ses puissances, comme cela coûte et paraît difficile !... » (Le Ciel dans la Foi, n° 14).
Le vent souffle, il n’est pas – ou plus – besoin du déballage de techniques d’oraison. Mais pourquoi le vent souffle-t-il ? Eh bien, dans le cas présent, parce que l’orante a délibérément choisi d’aimer Dieu :
« O ! Mon Dieu, que chaque battement de mon cœur vous redise cette offrande. Je suis à Vous, je Vous appartiens, faites de moi ce qu’Il vous plaira ; je suis votre victime ». (Note intime du 16 Juillet 1900).
Dans l’oraison c’est Dieu qui fait tout ; mais sous réserve que l’homme mette en œuvre son libre arbitre d’amour pour Dieu.
LA PRIÈRE DU CŒUR.
« Quantité de méthodes d’oraison sont possibles. L’important est qu’elles respectent la liberté » (Catholicisme hier, aujourd’hui, demain – Tome XI – Mathon-Baudry, Ed. Letougey-Ané, Paris 1988).
Attention à la prière en conserve livrée avec sonneries incorporées ! Je privilégierai toujours la prière faisant l’objet d’un libre choix dans ses formules et ses modalités, et qui n’impose pas la récitation d’hymnes récents et bâclés n’ayant vraiment rien de sacré.
Dans la Montée au Carmel (L.3 ch.44, 4) Saint Jean de La Croix nous écrit :
« Quant aux conditions qui doivent accompagner notre prière, le Christ nous laisse le choix entre deux seulement, il faut prier dans le secret de la retraite, loin du tumulte et à l’abri des regards, afin de le faire avec plus de liberté d’esprit et de pureté de cœur, comme il nous l’enseigne par ces paroles : quand tu pries, entre dans ta chambre, et là, prie la porte close (Mt 6,6) ; ou bien il faut prier dans les lieux solitaires, ainsi qu’il le fait Lui-même, et durant la nuit, comme au temps le plus paisible et le plus favorable (Lc 6,21).
L’auteur de la Nuit obscure apporte des précisions circonstanciées :
« Il n’y a donc pas lieu de se fixer certaines époques et certains jours comme préférables les uns aux autres pour accomplir ces dévotions ».
Le Fils de l’homme, qui n’avait pas d’oreiller où reposer sa tête, priait en tous lieux, à toutes heures et même dans les endroits les plus désolés. Les Pharisiens, eux, priaient bien au doux, à heures fixes comme des tâcherons de la prière ; et tout au loin de la pensée du prochain. Lorsqu’il n’y a plus de temps, plus de tranches horaires pour la prière et plus de livres de prières ; il ne reste plus que le cœur…et le prochain ; avec bien évidemment Dieu toile de fond et oxygène du tableau. Bref, il ne reste plus que l’essentiel sous le Ciel. Dans cet espace nous n’aurons plus l’option de l’oraison administrative avec carcan horaire et sonneries incorporées. Notre oraison sera celle du cœur, celle du pauvre évangélique, et nous ne programmerons pas Dieu de cinq à sept. Il n’y aura pas de « pause-Jésus », de dinette pieuse.
La prière du cœur ? Elle coûte notre libre-arbitre de regarder le prochain avec les yeux de l’âme ; de prier en tout lieu et quotidiennement Dieu à travers et pour le prochain. La prière du cœur ? Elle coûte notre « oui » à l’Amour. Que notre amour pour Dieu-Amour soit naturel comme une fonction vitale qui va de soi, comme la respiration. Par la voie du cœur l’oraison devient divine et simple. Après le Communion nous sommes devenus des ciboires intérieurs, nous portons le Christ en nous, ainsi nous sommes chacun de nous ni plus ni moins qu’un tabernacle humain donc provisoire et intermittent. Nous sommes de la Maison de Dieu ; nous sommes la Maison de Dieu. Et ce, dans les besognes les plus quotidiennes. Elisabeth de La Trinité écrivait, le 29 Juillet 1903 depuis le Carmel de Dijon :
« Je travaille, lorsque je n’ai pas de balayage, dans notre petite cellule. Une paillasse, une petite chaise, un pupitre sur une planche, voilà le mobilier, mais c’est plein de Dieu et j’y passe de si bonnes heures seule avec l’Epoux (…) Nous sommes si bien tous les deux, je me tais, j’écoute… C’est si bon de tout entendre de Lui ; et puis je l’aime tant en tirant l’aiguille et en travaillant dans cette bure que j’ai tant désirée porter. Chère Madame (…) oh ! vivez en Lui, rendez-Le vivant par la foi, pensez qu’Il demeure en votre âme et tenez-Lui sans cesse compagnie, n’est-ce pas ? Unissons-nous pour faire son bonheur et, pour cela, que notre vie soit une communion continuelle ! » (Lettre n° 168, à Madame Angles).
Et puis en décembre 1905, dans la lettre n°252 :
« Aimez toujours la prière, et quand je dis la prière, ce n’est pas tant s’imposer quantité de prières vocales à réciter chaque jour, mais c’est cette élévation de l’âme vers Dieu à travers toutes choses qui nous établit avec la Sainte Trinité en une sorte de communion continuelle, tout simplement en faisant tout sous son regard ».
Oraison maîtrisée ? Oraison scolastique ? Oraison libre ? Oraison exemplaire ? Certes bien sûr il faut tout mettre en œuvre pour atteindre cette amplitude orante. Mais pensons à l’oraison des pauvres évangéliques qui se fait loin des chapelles chauffées et des horaires programmés. Un jour, les églises peuvent être fermées définitivement – elles le sont d’ailleurs plus ou moins dans la plupart des villages – un jour, toute manifestation cultuelle peut être prohibée ; un jour l’Europe de l’Ouest peut être envahie… Un religieux me parlait tantôt de son oraison dans le train. Forte caution à mes présentes argumentations. Argumentations au travers desquelles j’ai voulu simplement énumérer quelques modalités, souligner la motivation essentielle de l’oraison qui est notre amour pour Dieu que nous Lui exprimons ; pour enfin poser la question de la finalité de cette oraison. Et si cette vraie finalité de l’oraison n’était autre que la faculté de continuelle communion avec Dieu, nous portant à tout faire sous son regard ?
___________
LA PRIÈRE DE MARIE
Quae est ista quae pregreditur quasi aurora consurgens, pulchra ut luna, electa ut sol, terribilis ut castrorum ordinata ?
Quelle est celle-ci qui s’avance comme l’aurore naissante, belle comme la lune, resplendissante comme le soleil, terrible comme une armée rangée en bataille ?
(Cant. VI, 10)
Quae est ista ?
Comme à la Salette, à Lourdes, à Fatima ainsi que dans la plupart des lieux de ses apparitions ; Marie revient toujours dans le silence et dans le vent.
« Quae est ista ? », se dirent les anges lorsque le jour de l’Assomption elle apparut au Ciel. Enfin, mais qui est donc celle-ci ? Qui est cette Marie qui ne demandait rien à Dieu et que Dieu vient chercher ? Qui est Marie qui sur terre parla si peu, si peu ? Luc nous la résume – plus qu’il ne nous la désigne – « Une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph (…) et le nom de la vierge était Marie » (Lc 1,27). Or la première réaction de Marie est le silence : « A ces mots elle fut bouleversée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation ». Dès le début Marie est du silence, elle ne parle pas sa question, elle la pense. Il faut absolument noter, relever, voire découvrir que Marie recherche également la chasteté en matière de paroles, comme si elle tenait à éviter le plus souvent possible la souillure des mots. Marie évitera de parler autant que cela lui sera possible. Et quand elle parlera, elle professera l’essentiel : « Je suis la servante du Seigneur : qu’il m’advienne selon sa parole » (Lc 1,38).
Marie aura toujours, durant sa vie terrestre, un souci radical de concision. Se rend-t-on vraiment compte de l’indicible énormité de l’événement ? : « Voici que tu concevras et enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, et on l’appellera Fils du Très-Haut ». (Lc 1,31) Ah ! Qu’il faut tenir compte du Magnificat qui fut la plus longue intervention verbale de Marie, et qui appartint à l’aube de l’époque la plus heureuse de sa vie. Car, plus Marie souffrira et moins elle parlera. Et quand ses souffrances auront atteint le paroxysme de la douleur, elle se taira complètement. Mais, présentement, Dieu la désigne pour être la Mère de de son Fils, et Marie, somme toute, est économe en paroles et jamais par la suite elle n’en dira autant. Mais enfin qui est celle-ci qui ne parle presque pas et qui, lorsqu’elle parle, en dit le moins possible ?
Pour moi la scène la plus typique au niveau de la narration lapidaire est bien celle de la Nativité, qui se résume en une seule phrase : « Elle mit au monde son Fils premier-né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux à l’hôtellerie » (Lc 2,7). Marie fait les choses avec une extrême économie de moyens – et surtout de paroles – et nous arrivons, toujours en Lc, 2, 51, à cette phrase capitale et intrigante par son inédit et son exception : « Et sa mère gardait fidèlement tous ces souvenirs dans son cœur » (cf. aussi Lc 2,19). Marie, de plus en plus, accomplira les actes les plus simples, et surtout sera victime des peines et des douleurs les plus inhumaines, avec le minimum de paroles.
Mais enfin, qui est celle-ci qui ne dit mot quand bien même il lui arrive un destin de mère aussi exceptionnel ? Mais enfin qui est cette inconnue « qui a donné l’être et la vie à l’Auteur de toute grâce ! » (Louis-Marie Grignion de Montfort). N’oublions jamais que Marie était une créature humaine. Dieu fit tant pour elle, et en elle, qu’elle devint de plus en plus transparente, humble et silencieuse, comme absorbée en Lui…
Aux noces de Cana, Marie prononce la phrase la plus fonctionnelle pour la circonstance : « Ils n’ont plus de vin » (Jn 2,3) puis immédiatement après : « Tout ce qu’il vous dira faites-le ! ». Marie a donc une confiance absolue dans son Fils ; elle sollicite pour les invités, elle sait qu’infailliblement sa requête sera exaucée.
Mais enfin, qui est donc celle-ci qui s’estime exaucée dès lors qu’elle demande – et quand bien même il peut sembler qu’elle soit rabrouée : « Que me veux-tu Femme ? » (Jn 2,4).
Près de la croix lorsque Jésus expire, Mathieu ne cite pas la présence de Marie. Marc ne cite pas la présence de Marie. Luc ne cite pas la présence de Marie. Seul Jean voit et nous écrit : « Près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec d’autres femmes » (Jn 18,25). Sa mère qui ne dit rien lorsqu’elle atteint le paroxysme de la douleur morale ; l’aboutissement de ses douleurs morales. En effet, qui pourra nier que durant l’enfance, durant l’adolescence et jusqu’à la veille de la fin terrestre de Jésus, Marie n’a pas perçu par intuition de son cœur de mère les douleurs qui étreindraient son Fils ? Rappelons-nous que par deux fois en peu de temps Luc nous écrit : « Et sa mère gardait fidèlement tos ces souvenirs en son cœur ». (Lc 2,19). Trois des quatre évangélistes ne parlent pas de Marie auprès de la croix, afin peut-être que le dernier qui en parlerait nous assène le dépouillement, le silence flagrant, le statisme palpable de la douleur de Marie : « Près de la croix d Jésus se tenait sa mère ». Stabat mater (dolorosa s’il est bon de le préciser)… Je pense aux premières mesures du Stabat Mater de Pergolèse, à ses notes résignées et obstinées qui glacent et fixent l’attitude immuablement douloureuse de Marie : « Près de la croix de Jésus se tenait sa mère » ; tous les disciples fuyant, elle est restée seule près de la croix »…
A la Pentecôte (Ac 2,13) le nom de Marie n’est pas mentionné puisque sa permanence dans l’Eglise naissante est plus qu’évidente. En Ac 2,1 : « Le jour de la Pentecôte était arrivé, ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu ». On doit déduire : « ils se trouvaient tous ensemble, dont Marie mère de Jésus, dans un même lieu ». Toutefois, en Ac 1,14 on trouve la mention de la présence de Marie, mais elle n’est mentionnée que la dernière : « Tous d’un même cœur étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie, mère de Jésus… »
Mais enfin, qui est donc celle-ci, tellement omniprésente dans la participation à la prière des premiers Chrétiens que son nom n’est plus mentionné qu’une fois sur deux, et que même Luc nous en laisse déduire la présence ?
Celle-ci
est l’orante la plus parfaite. Jamais aucune âme ayant habité un corps issu de parents terrestres ne priera mieux que Marie. Marie est humble, elle obéit instinctivement aux desseins de Dieu sur elle, croit à
l’exaucement de sa prière dès lors qu’elle l’émet, entretient une vie intérieure inégalée puisqu’elle garde toutes ces choses dans son cœur, et
se tient là : « stabat mater ». Elle est prière sans mots, sans gestes ; elle est prière vivante ipso facto. Elle va au cœur de la prière, elle est au cœur
de la prière, elle est prière du cœur. Elle annonce la finalité de la prière que saisira quelques siècles plus tard Elisabeth de la Trinité : « la prière, communion continuelle avec
la Trinité, tout simplement en faisant tout sous son regard ».
En descendant de Barretaine (Cliché : Août 2019)
Lieudit Champvaux, Commune de Berretaine (Jura) (Cliché : Hiver 1997)
MES LITANIES A LA MATER CASTISSIMA DE CHAMPVAUX
(Réponse à chaque invocation : ave Maria Mater castissima !)
Protectrice de la Petite Montagne jurassienne…
Gardienne des Monts de Vaux-sur-Poligny…
Asile durant les Châtiments futurs…
Mère des ermites modernes…
Justificatrice des vœux privés…
Refuge des fugitifs du monde mourant…
Havre des prieurs solitaires…
Témoin du saint Passé des lieux…
Vigie de la Reculée des Monts de Vaux…
Avocate des saints Prêtres anciens du Petit Séminaire…
Voie de mon salut malgré ma vie accidentée de l’âme…
Patiente observatrice de mon évangélisation sur la Toile…
Miséricordieuse Reine pour le manant que je fus longtemps…
Inspiratrice de mes mots écrits qui resteront utiles à mon prochain…
Espoir de mon désir de vivre de longs jours afin de prier sans lésine…
Dédicataires de mes trois vœux d’hiver1997 à votre autel…
Pourvoyeuse de mes intuitions me protégeant des ornières à venir…
Conseillère en lecture de saints ouvrages…
Formelle dénonciatrice de l’apostasie de l’Eglise moderniste…
Sage Mère de l’ Eglise romaine m’enjoignant de prier pour sa conversion…
Infaillible Conductrice à la connaissance de Jésus votre Fils et le Fils de Dieu…
Ô ! Marie qui m’apparûtes à l’âge de mes onze ans…
Ô ! Vierge qui pauvrement vécûtes sur la terre…
Ô ! Mère du Fils de Dieu, que je me rende digne de l’enseignement reçu des prêtres du Petit-Séminaire de Vaux…
Ô ! Mère très chaste, qu’enfin j’oublie les vanités et la mortelle destinée de la chair…
Ô ! Souveraine de justice, qu’après la disparition de mes actuels ennemis je me garde d’en susciter de nouveaux…
Ô ! Divine suzeraine des Monts de Vaux, que, si telle est la volonté de Dieu, je vois l’avènement du Grand Monarque…
Ô ! Maîtresse omniscient des âmes qui se consacrent à Vous ; montrez-moi les chemins à suivre pour préciser ma vocation d’ermite extraverti…
Ô ! Femme juive sur la terre, confortez-moi dans mon mépris des frontières de ce bas monde…
Et bardez mon mépris de ce monde mourant et de sa pléthore de bipèdes…
Et que mes prières sauvent des âmes actuellement en voie de perdition…
Et que, si telle est la volonté de Dieu, je voie les Cieux nouveaux…
Lieudit Champvaux, Commune de Berretaine (Jura) (Cliché : Hiver 1997)