Albert-Marie : un artisan des mots

L’ÉTANG DU MILIEU

Etang du Milieu (Samerey, Côte d'Or) Cliché : 28 Août 2011.

DEMANDE  DE  NATIONALITĖ  BOURGUIGNONNE…

                                                  à Jean-Pierre Soisson.

Si c’était possible eh ! Oui je me ferais

              naturaliser Bourguignon…

J’ai toujours été en exil

              dans un département pendu

              où je n’ai eu que les ténèbres.

Mais

              St-Jean-de-Losne, St-Symphorien et puis Samerey,

               St-François et St-Seine-en-Bache,

              ma Saône, mon étang du Milieu :

           salvatrices contrées frontalières !

Je porte en moi

           un petit peu du terroir des autres.

Si c’était possible, eh ! Oui bons Bourguignons,

          je me ferais naturaliser

Bourguignon…

Printemps 1988 – Etang de Samerey (Côte d’Or).

28 Août 2011.

 

HORA *

L’printemps arrive bons Bourguignons,

         de la lumière, germez sillons !

Sur l’étang les cygnes vont gentils.

Les cygnes de l’étang de Samerey,

        royaux jusqu’en milieu de Saône.

La roue, le calendrier tournent.

D’autres signes se dessinent là-haut

         dans un ciel nouveau coloré ;

         quelque métanoïa subite,

         et même un cygne m’a fait des signes…

L’printemps arrive bons Bourguignons.

De la lumière sur mes sillons !

Et pour cela je viens vers vous…

Etang de Samerey – Printemps 1988.

*

RENAISSANCE BOURGUIGNONNE

« Il suffit de passer la pont

C’est tout de suite l’aventure »

              disait Paul Fort.

 

Ah ! Qu’il avait cent fois raison.

Je m’enfuis donc loin de mes murs,

              sans un remord.

Et ron-ron-pe-ti-pa-ta-pon !

Je renie ce village obscur,

              contrée de mort.

C’est pour moi la récréation

Si si si si je vous le jure ;

       sans lien sans mors.

Et je rends grâce aux Bourguignons

Qui, dans ma quête d’un air pur,

              m’é-pau-lent fort…

7 Juillet 1988 – Canal de Samerey.

*

L’ĖTANG

La bise de l’étang

Refroidit mon visage

D’un souf-fle de l’automne

Tout humide et glissant,

Qui meurt dans le sillage

De son eau grise, atone.

Les bras des peupliers

Se mi-rent près du bord

Dénudés et très noirs,

Et sur l’on-de plissée,

Mi-mes tordus d’efforts,

Sau-til-lent dérisoires.

Le ballet floconneux

Des feuil-les papillonne,

Lie de vin, émeraude,

Sang terne, ocre fielleux

Et noir mat de carbone,

Jaune oran-ge des gaudes. *

Les rayons métalliques

Du soleil refroidi,

Sur les plu-mes de lait

Des cy-gnes apathiques,

Plaquent l’argent terni

Et son éclat défait.

Une barque à l’amarre

Rou-le, tan-gue, ridée

Sous l’inju-re du temps.

Elle a perdu son fard.

La bise a cra-que-lé

Le teint vert de ses flancs.

Et je roule avec elle.

Le cœur de l’étang bat

Sous son plancher humide,

On dirait un appel.

Ma main qui n’entend pas

Tra-ce son chant limpide.

*bouillie franc-comtoise de maïs

(1983)

Le long du canal de Samerey (Avril 2011) - Crédit photo : Thérèse Mercier.

L’ĖTANG DE SAMEREY

Lorsque je me retrouve, ébloui sur la frange

De l’étang bourguignon tout près de Samerey ;

Que ne viens-tu, songeuse, en marge des forêts

Pour poser ton regard sur son tain très étrange ?

Il a engrossé dans le vairon de ses langes

L’herbe di-a-bo-lique -et c’est là son secret-

Qui arrête le temps. Près de lui tu pourrais

Toucher la vie qu’aucune horloge ne dérange

SI tu t’assieds dedans sa barque abandonnée,

Tu sentiras des coups vibrant sous son plancher.

Est-ce une âme damnée prisonnière de l’onde ?

Ou bien la rame heurtant une racine dure ?

Un noyé réclamant une vraie sépulture ?

Un esprit tapageur parlant de l’autre monde ?

Mai 1987.

Horloge de l'église de Samerey - "Saint-François" (dont il est question ci-dessous) est le hameau de la Commune, retiré dans les bois, en allant sur Saint-Seine-en-Bache.

CODICILLE POUR UN DOMICILE FIXE

DANS L’OR DE LA CÔTE.

 

Un domicile fixe à la campagne.

       -mais au loin des visqueux à l'œil glauque

        derrière leurs carreaux bien-pensants.

La glèbe des bipèdes de la plèbe

       -ces cloportes du monde mourant-

       distille le narcotique de la pensée unique inique.

Certes,

       après les trois Jours de Ténèbres on y verra plus clair ;

       mais pour l'instant fuyons ces robots, ces zombis

       porteurs du virus du racisme et de la christianophobie !

Un domicile fixe à la campagne.

       -mais loin de l'âne qui brait,

       qui après moi brait.

Entouré de livres sains

       -je veux parler de moi mais pas de l'âne qui brait-

       de livres pour êtres éveillés.

Pour moi qui demeure un veilleur

        je n'ai pas besoin de réveil ;

       et je révère tous les ouvrages qui, petit à petit,

       m'ont empêché de braire tous les « hi-han » de la bêtise locale.

Un domicile fixe à la campagne

       -abri solide bien aspecté pour un ermite extraverti.

« Extraverti » cela suppose le maintien des moyens de Communication

       avec le Monde en passe d'être nouveau.

Après les trois Jours de Ténèbres nous verrons bien plus clair

        -comme  entrevu plus haut.

Y aura-t-il et quels seront les liens pour échanger au loin ?

Le Monde nouveau est celui-là

       qui doit percer après le Châtiment.

Un domicile fixe à la campagne.

Pour vivre avec Dieu sans prothèses.

La forêt devient cathédrale sans pollution des boutiquiers.

À qui porte un Temple intérieur en son âme éveillée,

       il est aisé de l'ouvrir aux verdures des futaies.

Du Créateur au prieur solitaire

       -sans livres pieux et sans intermédiaires,

       et sans quêtes, sans marchands du Temple,

       sans dames-pipi de sacristie aussi.

C'est depuis mon adolescence

       que me trotte cette liturgie qui ravigote.

Un domicile fixe à la campagne.

       mérite un codicille à mes écrits sans pagne

       sur les plages libérées du Net.

Où situerais-je, enfin, l'abri solide bien aspecté pour un ermite extraverti ?

Incontestablement en bordure de l'Or de la Côte *,

       dans les bois de Saint-François hameau de Samerey,

       où je pourrai revoir la Saône et le canal de ma trentaine

       -sans oublier mon étang du Milieu.

Là où, sans le savoir, l'année de la Révolution

-Mai 68-

       mon adolescence aspirait le vert des arbres

       qui allait, dix ans plus tard,

       donner vie au Sylvain

       dont les vers n'ont le froid des marbres.

Côte d’Or pour moi : l’Or de la Côte ;

       je te révère et révère tes élu(e)s et sers la France

       par la Francophonie depuis deux septennats.

Citoyen du Monde je brandis donc ce « 21 »

       arcane majeure du Tarot de Marseille : le Monde.

J’y suis, j’y reste et j’entends bien tout faire pour un domicile fixe

       d’ermite extraverti près de Samerey ;

       au chœur et au cœur de son hameau de Saint-François.

A Dieu plaise d’en décider sous les futaies de Sa Miséricorde !

(Mai 2022)

 

 Pages extraites de l'e-bookographie sur :

www.nicolas-sylvain.jimdo.com

(Format PDF téléchargeable)

Canal de Samerey en Août 2011.

LES  ARBRES  HORS  DU  TEMPS

               à  Fabienne Landois

Un petit soleil de quinze heures,

              blanc cassé brillant

              et chaud pour la saison.

Le ciel bleu parfois moutonneux

-lui aussi bleu blanchi-

              avec nuages de tous modèles.

Canal vert gris laiteux.

Son chemin de halage moiré de mortes feuilles.

Bouleaux truffés de boules de gui.

Un avion machinal

              passant là-haut très nonchalant.

Inévitables bruits tenaces de l’A 36.

Petits cris aigus jumelés

              d’oiseaux craintifs et de passage.

Tiens, soudain, c’est très exceptionnel :

              du crottin sur le chemin.

Et puis une tronçonneuse

              au mordant cyclothymique.

De temps en temps le calme.

Les hommes et les oiseaux

              et même quelquefois les voitures

              s’octroient le temps de s’arrêter.

Que dire des arbres ?

Sinon qu’ils sont omniprésents dans ma personne…

Quand je me sens perdu je m’enfuis près des arbres,

              près d’un arbre.

Alors je reprends mes racines,

              je revis de nouveau.

Surprise émouvante hier au soir sur Antenne 2 :

Pierre Seghers confiait à Jacques Chancel

              désirer devenir un arbre après sa mort,

              et que celui qui abattrait cet arbre

              n’en  fît de son cœur qu’une planche

              que l’on posât sur deux tréteaux

              pour qu’un poète jeunet gravât ses premiers vers.

« Auprès de mon arbre

Je vivais heureux ».

Brassens et Pierre Seghers,

Jean-Pierre Chabrol et Aragon :

              je possède en mes racines un peu de votre humus,

              un échantillon de votre aubier.

Qu’il m’est doux cet héritage !

Qu’il me fait chaud tout là,

              tout là près de mon cœur, près de ma plume.

15 h 28, ce 31 décembre 87,

              près du canal sous l’autoroute,

              près de Samerey en Côte d’Or.

Le petit soleil blanc cassé brillant

              descend tout derrière le canal.

Adieu 87, que vienne 88

              et sa roue qui tourne pour moi !

A un d’ces jours Monsieur Seghers !

Qui sait :

              nous nous retrouverons peut-être un jour,

              un jour peut-être et côte-à-côte ?

Et près de nous viendra courir

              comme un tout petit faon…*

*je surnommais Fabienne Landois « Petit Faon ». Elle interviewa Pierre Seghers une semaine avant sa mort, pour un numéro de la revue trimestrielle « Florica ».Cf : « Pierre Seghers » au 2ème sommaire du présent site.

Portrait de l'auteur, en 1987, par Fabienne Landois (Paris, Manufacture des Gobelins).

L'ÉTANG KARMIQUE

Du vert et du bleu

-dans mes années grises et noires-

       près de l'étang du Milieu.

1979 à 1989 :

       dix ans de survie au département du Pendu.

Mais – sauvé par les perfusions

       de mes visitations au chevet de l'Or de la Côte -

       je laissais vers et proses qui se médiatisent aujourd'hui.

Aujourd'hui aux ciels de la Toile

-comme aux torrents du Mondialisme-

       je partage vers les Grands Lointains

       ce vert, ce bleu

       de l'Etang du Milieu,

       avec les nouvelles donnes du Monde Nouveau.

Mercredi 6 Juillet 2022

Cliché : 28 Août 2011.