Albert-Marie : un artisan des mots

Lettre à Noujéiba.

Sousse (Tunisie). Crédit photo : www.sejours-tunisie.com

LETTRE  À  NOUJÉIBA

Mercredi 25 avril 2004 – Une matinée bien ordinaire, après une nuit bien ordinaire. Je servais tranquillement le petit déjeuner – dans le salon et dans le cadre d’un court séjour hôtelier - à une jeune stagiaire célibataire, la trentaine indécise et compassée, des ombres de manies de femme se retrouvant déjà seule. Dehors, une matinée ensoleillée mais fraîche, terriblement fraîche pour la saison. Et la faux de la Camarde planait bien affûtée au-dessus de ma tête. Après avoir servi le lait, je revenais poser la casserole sur l’évier de l’espace cuisine, ordinairement fermé quand il n’est pas utilisé par un rideau de lanières plastifiées. Ce fut l’alerte, sans préavis, sans le moindre vertige, sans le moindre malaise. Un « bourrage » ainsi que j’allais fréquemment le décrire aux médecins. Mon cœur poussa un grand coup comme pour sortir de ma poitrine. Je n’eus pas le temps d’accuser le fait que le galop de la tachycardie fut lancé dans ce cœur agressé. Puis, immédiatement,   les  extrasystoles  :  le  cœur  s’arrête  et  puis repart, s’arrête et puis repart, s’arrête et puis repart avec un incessant renouvellement de cadences, à tel point qu’il est impossible de compter les pulsations par la traditionnelle prise de pouls. Je  fais « oh ! J’ai un problème  au cœur » et je m’en vais, après m’être excusé auprès de ma locataire,  prendre  sous  la  langue  un  comprimé  d’anxiolytique – on  ne  sait jamais, peut-être un coup de la psychosomatique ? Je m’étends mais rien ne s’améliore. Je me relève et marche mais rien ne s’améliore. L’histoire dira qu’il n’était pas prévu que quoi que ce soit s’améliore avant cinq ou six heures. Appel à SOS Médecins. Je parlemente : « non, que l’on m’envoie un médecin qui me donne quelque chose pour continuer mon travail ! » J’avais décrit tous les symptômes et l’on avait une autre approche de la question : « On vous envoie l’ambulance ! ».  Et là commence le drame réel de la situation : me dépêcher d’avertir au moins l’un de mes deux employeurs de l’époque (Gestrim-Campus de Lyon et Gestrim de Dijon). Et puis, préparer mon sac pour l’hôpital ; et puis, fermer tous mes volets ; et puis  afficher une note rédigée à la hâte sur la vitre de l’Accueil. Mon désarroi fut de cet ordre domestique, jamais  je ne craignis pour ma vie. Toujours j’eus le souci de mes…quelques années plus tard je les appellerais « mes enfant ». Ce à quoi l’apaisante voix d’une jeune infirmière blonde avança : « Ils vont bien se débrouiller tout seuls, ce sont de grands enfants ! … » Médicalement parlant tout se passa très bien – mais le déroulement s’inscrivit toutefois dans la durée : quelques heures d’attente aux Urgences de l’Hôpital Général de Dijon avant d’obtenir une place en clinique pour le service de  cardiologie. Mis sous perfusion pour un anticoagulant, style Héparine, je ne  pouvais risquer un autre  accident de ce genre : la limite du dégât devant la prise en charge pour le traitement de choc. Mais je le répéterai toujours : ma peine et ma réelle douleur furent de quitter cette Résidence étudiante en catastrophe et de laisser « mes » étudiants sans avoir prévu de remplaçant. Médicalement parlant, écris-je, cela finit aux mains d’un cardiologue qui me prévint qu’un « traitement de choc » s’imposait ; il fit appel à la Cordarone, à la Coumadine – en comprimés à dose massive – et à, toujours l’Héparine sous perfusion. Deux ou trois quarts d’heure après la prise tout redevint normal. Je restai trois jours en clinique. Le diagnostic : crise d’arythmie. L’expectative après ma sortie d’hôpital : pour le médecin, trouver l’anti-arythmique qui allait me convenir. Ce fut long. Trois années. Trois années entrecoupées de visites  de  SOS  Médecins, de brefs  séjours aux Urgences et  en cardiologie du Bocage. Psychosomatiquement  le mal s’était enraciné avec la hantise de la rechute. La rechute cardiaque ? Pas tant, plutôt la rechute dans le scénario d’un départ précipité et bâclé…

 

Pourquoi te raconter tout ça, Nounou ? A toi qui a bien du souci avec  tes  contraintes  médicales ?  C’est uniquement, mais sans ambages, pour te parler de cœur. Non pas du cœur organe, mais du cœur moteur des sentiments – et tu t’es bien aperçue que ce cœur, mon cœur, d’essence divine – comme le tien -n’ayons pas de crainte à formuler telle filiation, bat très fort pour toi, et bien avant que je ne te rencontre. J’ai vécu deux métanoïas depuis ce mercredi 25 avril 2004 :

- 1) répondre à la question lancinante qui battait à mes tempes : et si tu étais mort ce matin-là ?

- 2) prendre enfin le temps de regarder le plus souvent possible…vivre mes semblables. Dans les scènes banales de la vie, dans les bus,  dans les rues, dans les magasins et dans les administrations et, bien évidemment, dans cette Résidence, dans ma Résidence étudiante.

La réponse à la question peut être formulée par cette exhortation d’Elisabeth Catez (sainte Elisabeth de la Trinité, carmélite dijonnaise, 1880-1926) : « Je vous en prie, oh ! Marquez tout avec le sceau de l’amour, il n’y a que cela qui demeure ». Pour l’impérieux second souci de regarder enfin vivre les autres, j’ai trouvé la marche à suivre auprès de mon auteur préféré, Georges Simenon, dont la devise était : «Comprendre et ne pas juger ». Alors j’ai regardé en cherchant à comprendre. Cette nouvelle motivation m’a tellement emballé que je suis passé, cette année 2009, à la pratique de la psychologie comportementale… Faux  naïf,  comédien et rusé, je m’en vais à la pêche au vif de mon entourage  quotidien. J’ai  mes  cobayes – le  plus  souvent  des femmes. Si j’écris telle ou telle chose à  telle  ou  telle  étudiante, que  puis-je  entrevoir comme réponse. C’est  passionnant : par  exemple, si  je  n’obtiens  pas  de réponse,  j’avance  au  moins  trois  raisons.  A  moi  de   débusquer     la    bonne    réponse… Mais     tous    mes    « cobayes »  ont   toujours   mon  indulgence  et  souvent  ma tendresse. De toi aussi j’ai surpris quelques petites ingratitudes, quelques petites lâchetés ; mais après lecture de cette lettre, tu deviendras la princesse Noujéiba qui, hésitante, sommeille encore en toi ; sinon tu risquerais la descente sur la pente grumeleuse et triviale de la domestication et du renoncement à toi-même. Et, les mois qui te restent à séjourner à Dijon, essaie de les employer à l’adhésion aux vraies valeurs de la France, que  sont les convenances,  les   bonnes  manières  et  le respect  de  la  parole  donnée  – même  dans  les petites choses du quotidien ! Pars à la découverte de la « France profonde », à la rencontre de ces gens simples et généreux que sont bien des habitants des campagnes ! Et réveille-toi de ta vie somnolente pour faire provision de cette liberté didactique dont, un jour prochain, tu seras privée !

 

Dans l’autre Dimension nous serons estimés, non pas sur nos actes, mais sur leur  motivation et leur sincérité. Et l’amour tel qu’on en parle trop facilement, voire trivialement ? Trop de choses à dire sur le sujet. Aussi je préfère donner le point de vue que je développerai plus loin – et forcément magistral – d’Anthony de Mello : « Nous n’avons pas besoin d’être aimés, ce dont nous avons besoin c’est d’aimer ». Déjà parce que l’amour que nous prodiguons nous revient systématiquement, mathématiquement ; soit par la personne que l’on aime, soit par une autre personne que l’on finira par aimer. Amour, amour, amour : quel mot souvent galvaudé ! Je te cite au paragraphe suivant l’un de mes textes inédits.

 

LA MASCARADE DE L’AMOUR – En été 1973, une petite Marlène, de seize ans, ne voulait pas que je la « fréquente » (comprenez ce que vous voudrez dans ce terme) parce que j’étais plus « vieux » qu’elle de six ans… J’en avais donc vingt-deux. Trente-six ans après – en cet an pour moi de grâces 2009 – si elle fait encore partie des habitants de notre planète Terre, elle a cinquante-deux ans  et je doute que des petits « jeunes » de vingt-deux ans s’intéressent à elle ou, mieux, la  demandent  en  mariage… Or, que  se  passe-t-il  pour  moi depuis  cet  été ? Trois  jeunes  femmes  –  entre vingt-deux  et trente-six ans – m’ont écrit à plusieurs reprises vouloir se marier avec moi… Et,  plus étonnant, elles sont toutes trois Marocaines  habitant  le  Maroc…Ce  sont  de  belles créatures  du  Bon  Dieu  (ou d’Allah – ce qui revient au même), et leurs photos, scannées sur Internet ou bien envoyées par la Poste, n’accusent pas le moindre bidouillage sur Photoshop… Inutile de préciser qu’elles ont reçu de moi les photos les plus récentes et sans la moindre retouche – dont la dernière remonte à mi-septembre.  Je n’entrerai pas non plus dans le détail de ma vie professionnelle, au  quotidien,  qui  me  voit  côtoyer  de  belles  étudiantes  plus  mignonnes et désirables les unes que les autres ; que j’accompagne parfois en ville pour leurs démarches administratives, que j’invite au restaurant, à qui je dévoile la beauté de certains paysages sylvestres et champêtres de la banlieue dijonnaise immédiate, j’en tutoie certaines et certaines me tutoient, lesquelles parfois se laissent fondre entre mes bras très tendres pour un palpitant câlin dont je suis devenu l’ardent et le zélé propagateur…Selon ma   célèbre   expression : « alors où est le problème ? » Le problème sévit pourtant, dérangeant et lancinant : il dérange les morts-vivants  qui  ne  prendront  jamais   les  risques  de  la  vie  sans  œillère  ni  celui  de l’amour éblouissant. Je citerai donc un large extrait du livre que j’offre d’ailleurs systématiquement à toutes les nouvelles étudiantes en psychologie : « Quand la Conscience s’éveille », Antony de Mello, Albin Michel, Espaces libres, n° 128. Cet extrait provient du chapitre : « Souvenirs lénifiants » -  Alors pourquoi devient-on amoureux ? Pourquoi tombe-t-on amoureux d’une personne plutôt que d’une autre ? Parce que nous sommes conditionnés. Il y a dans notre subconscient une image qui correspond au type de personne qui nous séduit, nous attire. En conséquence, lorsque nous rencontrons un être qui colle à cette image, nous en tombons éperdument amoureux. Mais avons-nous vraiment vu cette personne ? Non, nous ne la verrons qu’après l’avoir épousée. C’est alors que nous verrons clair ! Mais c’est peut-être à ce moment-là que le véritable amour pourra commencer. Tomber amoureux n’a rien à voir avec   l’amour.  Ce  n’est  pas  l’amour,  c’est  du  désir,  un désir brûlant. Vous voulez, de tout votre cœur, que cette adorable créature ne cesse  de  vous  répéter  que  vous  lui plaisez.  Cela  vous  donne  une sensation extraordinaire. Et pendant ce temps-là, ceux qui vous entourent disent peut-être : « Mais que peut-il bien lui trouver ? ».  C’est ça le conditionnement : vous ne voyez pas. On dit d’ailleurs que l’amour est aveugle. Croyez-moi, il n’y a rien de plus clairvoyant que le véritable amour. L’attachement inconditionnel est aveugle, la dépendance est aveugle. S’accrocher, avoir besoin, désirer quelqu’un signifie être aveugle. C’est le contraire du véritable amour. N’appelez pas cela amour. Bien sûr, le  mot a perdu son sens sacré dans la plupart des langues modernes. Les gens parlent de « faire l’amour », de « tomber amoureux ». (…/…) Alors que veut dire être amoureux ? La première chose est de clarifier notre perception. La raison pour laquelle nous ne voyons pas clairement la personne dont nous sommes tombés amoureux est évidente : nos émotions nous font obstacle, ainsi que notre conditionnement, nos préférences et nos dégoûts. Nous devons nous colleter également avec des éléments plus fondamentaux : nos idées, nos convictions, nos concepts. Croyez-le ou non, chaque concept créé pour nous permettre d’entrer en contact avec la réalité finit par devenir un obstacle à cette prise de contact, parce que tôt ou tard nous confondons les mots avec la réalité. Le concept n’est pas la réalité. Ce sont deux choses différentes. 

 

Mon    actuelle   profession  m’a    porté   inconsciemment   à  la pratique de la psychologie comportementale. Simenon, donc, m’ayant initié à cette science d’actualité. Je suis parti, et  pars encore, à la recherche de la motivation qui meut telle ou telle de mes étudiantes que je côtoie presqu’à longueur d’année. Pression sociale de l’environnement-robot : « pourquoi es-tu seule alors que mon copain vient me voir quand il peut  et qu’il passe la nuit avec moi ? ». La petite minette va se croire obligée de montrer aux voisines et voisins de palier qu’elle est normalement constituée en recevant, nuitamment – et  de jour pour qu’on l’ait bien vu - un garçon. Et, dans quatre-vingt-quinze pour cent des cas, elle va perdre son temps, son énergie et sacrifier une partie de ses études avec un éjaculeur précoce – car il est toujours vrai, depuis Brassens, que « Quatre-vingt-quinze fois sur cent la femme s’emmerde en baisant.. » Mais,  bon,  tant  pis,  elle apparaît normalement constituée… Elle a dix-huit, il en vingt ; cela fera plaisir aux gens ; on va se marier ! Alors on s’arrange tant bien que mal – plutôt  mal  que bien – avec  les études  chahutées au grand dam des parents qui ne sont pas très d’accord – oh ! Combien je les comprends ! L’autre jour l’on m’informe du mariage d’une ancienne locataire de ma Résidence. Que m’a-t-il pris à me revoir, trente   années   plus  tôt,  jouant   l’absoute   d’un   enterrement  sur   cet  orgue historique d’une église de Côte d’Or ? Surtout que la fille m’avait dit au sujet de sa relation : « chacun y trouve son compte ! » - terriblement révélatrice, une telle répartie... Ce que j’ai transcris par devers moi : « après  tout pourquoi  pas ? Et    puis    c’est    lui   qui   règle   mes    loyers ? ».   Mariage    de raison ; c’est   un   mariage   de   raison. Cela  le récompense, aussi, de son aide financière. « Nous sommes des gens normaux. Le voisinage ne peut rien dire. En plus nous sommes presque du même âge. » Chaque année en France, et depuis quinze ans, le nombre des divorces varie de 110 000 à 120 000 !

 

Lorsque j’entends des réflexions telles que : « vous vous rendez compte : il a trente ans de plus qu’elle ! C’est une honte ! Il pourrait presque être son grand-père !» ; je ressors ma bonne irrévérencieuse et goguenarde psychologie comportementale pour démontrer que de tels propos trahissent, d’une façon lancinante,  l’admiration, l’envie et la jalousie des morts-vivants. Ah ! Si seulement ils avaient le cran d’en faire autant ! Elle s’est mariée à vingt-deux ans, lui en avait vingt-cinq. Et maintenant, elle traîne ses  cinquante-deux balais avec peu de chances de s’assurer les ardeurs vertes et jaillissantes d’un jeunot. Tandis que lui, ma foi, non frappé de ménopause, s’en va bandant parmi les jeunettes – des jeunettes qui, d’ailleurs, en ont marre des éjaculeurs précoces qui les font jouir occasionnellement et toujours à la va-vite – quand ils ne s’oublient dans leurs dessous, faute d’avoir programmé leur désir. Et je n’épiloguerai pas sur la répartie sévère que je fais parfois aux tenants de la domestication et des idées reçues sclérosantes : les cimetières sont également remplis de jeunes morts et de morts jeunes qui ne banderont plus jamais… Par  ailleurs, les  statistiques  le  prouvent : le mari beaucoup plus âgé que  son épouse est tolérant, patient, ne s’énerve pas pour des broutilles, et, bardé d’une expérience réelle dans les vicissitudes de la vie, se révèle être d’une sérénité apaisante…Et puis, entre les draps, il prend son temps…La sexologie moderne accorde ainsi une importance primordiale aux « préliminaires » et…aux paroles. Cela, j’en avais eu l’intuition dès 1992 en parlant, dans une nouvelle, des mots qui font l’amour avec les mots… Pauvres petites fleurs de femmes, encore vierges et qui, après l’acte de chair, n’ont  qu’une  envie : celle  de  pleurer ! Pour  en  finir  avec la vieillesse, je citerai Baird T. Spalding, « La Vie des Maîtres » (J’ai lu n° 2437) qui nous propose le seul remède « anti-âge » : La vieillesse est anti-spirituelle, laide, mortelle, irréelle. Les pensées de crainte, de douleur, et de chagrin engendrent la laideur appelée vieillesse. Les pensées de joie, d’amour, et d’idéal engendrent la beauté appelée jeunesse. L’âge n’est qu’une coquille contenant le diamant de la vérité. Le joyau de la jeunesse.

Je refoulerai toujours la tentation d’écrire un « Requiem », un « Dies irae », un « De profundis » pour ces  belles filles que j’ai côtoyées dix années durant. Ces filles à qui je donnais sept ans de règne à leur beauté et au désir qu’elles allumaient au cœur et au ventre des hommes,  avant  de  s’éteindre  dans les liens félons d’un mariage de convenances. Je ne pleurerai pas ces filles. Je n’écrirai pas « Cimetière de filles », ce texte envisagé longtemps. Je répliquerai toujours par ma communication résolument   ouvert   à   la   vie.   Un  samedi de Septembre pré-automnal, je faisais découvrir la colline de Fontaine-les-Dijon à Ophélie, jeune Réunionnaise peut-être l’étudiante la plus féminine et la plus belle de ma Résidence, elle a dévoré le livre d’Anthony de Mello que j’offre systématiquement aux étudiantes en psychologie, elle est protestante et demeure fascinée par « Mater castissima » publication chrétienne   que   j’ai   réalisée   et comportant  des photos de l’hiver prises dans mon Jura natal, elle aime faire la cuisine, est  très matinale, se suffit à elle-même, a de longs cheveux très noirs que j’aime voir en liberté, je l’ai bien naturellement entraînée dans  les  magasins  arabes des Grésilles  où elle est tombée en arrêt devant tous les multiples et multicolores sachets d’épices. Cette fille a du chien et ne vendra, ni son âme, ni son corps au premier puceau venu. Une autre lectrice, invitée par moi, d’Anthony de Mello : Kiné que j’appelle « petite Majesté », elle est blonde, terriblement norvégienne, a eu son premier câlin sous les arbres de la rue de Montmuzard le premier jour où le l’ai invitée au restaurant « Ma Bourgogne », parfois je lui trouve un sourire goguenard de gentil petit troll. Lena qui, un de ses premiers soirs à Dijon, est venue chez moi pleurer de solitude, est sans doute l’étudiante la plus affectueuse que j’aie rencontrée depuis dix ans, petite et belle Iranienne de vingt-quatre ans, un  après-midi elle m’appelle sur mon portable en suppliant : « Albert, viens me chercher, je suis perdue ! » Alors je suis parti assez loin du côté de la Maladière, l’ai aperçue et l’ai prise quelques secondes dans mes bras, avant de rentrer avec elle tout en lui indiquant le chemin à suivre en bus pour ne pas se perdre en sortant de la fac…Ces belles filles ont un long avenir de séduction devant elles car, à la cinquantaine voire même au-delà, les femmes des pays arabes et des îles, sont beaucoup moins perméables aux signes de la vieillesse.

 

Souviens-toi des quelques avis que je t’ai laissés : je n’admets une religion que dans la mesure où elle respecte la règle essentielle qui est l’Amour de Dieu – quelque nom que nous puissions Lui donner – et l’amour   du   prochain. Les   embrouilles,   les   déviationnismes, les intégrismes relèvent pour moi des affections psychiatriques et ne m’intéressent pas. Nous sommes sur la terre pour y être heureux et pour y rendre heureux nos semblables. Et c’est toujours avec horreur que je considère l’aberration des actes criminels commis au nom d’une religion – quelle qu’elle soit. J’accorde une part non négligeable à la recherche de l’authenticité dans tous les domaines de la vie ; à l’éveil de la conscience ; à la fuite de la « domestication » dont nous avons été victimes dès notre prime enfance. Egalement je me tiens informé de toutes les révélations rétablissant la vérité – historique ou autre – dans tous les domaines de la Connaissance. A mon sens  le premier droit de l’homme est la liberté ; la plus grande erreur (ou faute, ou péché) qu’il puisse commettre est de rendre le mal pour le bien ; et la plus grande catastrophe qui puisse lui arriver est le sacrifice de sa  vraie personnalité pour faire plaisir aux morts-vivants du cœur, de l’esprit et de l’âme.

Par  cette lettre, Nounou, je t’exhorte à cesser d’osciller entre les déplorables oripeaux moraux de la roturière et les atours et potentialités  de la Princesse. Tu sais que je tu m’attires et que tu m’intrigues fort. Tu  sais que je te ressens. Tu sais que ton nom m’a curieusement pris d’assaut, dès le premier jour où je l’ai découvert dans ton premier e-mail. Mais, détaché, je  ne  planifie  rien, je  laisse  venir  les bons fruits de la Providence divine qui peuvent magnifier notre communication. Je n’ai pas à augurer sur les desseins de cette Providence divine qui t’a placée sur mon chemin. J’obtempère seulement aux impérieux mouvements de l’intuition. Je suis un médium, un instrument et n’ai pas de parti-pris. Je prends également le risque de me tromper en refusant de voir en toi la pâle calculatrice me jouant l’amitié intéressé en prévision des futures largesses financières dont je pourrais encore la gratifier. Si tel devait s’avérer ton jeu, jamais je ne t’en voudrais cependant. Je sais qu’en te donnant, de bon cœur et sans escompter de retour, je recevrai selon ce que la Conscience Universelle – Dieu  - estimera  que  je  mérite (et  pas plus  tard  que  ce  matin, le  père  d’une étudiante me remets un billet de 50 € en remerciement de mon attention pour sa fille Emmanuelle (une toute mignonne petite Marseille aux cheveux longs châtain clair et qui conserve son accent du midi) ; et le jour où je me suis rendu au Crédit Lyonnais pour effacer ton découvert, passant juste après à ma banque je m’aperçois que sur mon relevé de compte la somme de 420 € vient de m’être remboursée par les Impôts…Deuxième raison, celle-là   très   inattendue   pour   laquelle  je te serais redevable même de ton ingratitude : tu m’auras inspiré, tu m’inspires et tu m’inspireras encore, des pages érotiques très motivées, surgissant comme une  érection. Je  t’ai  dit  que  l’érotisme  n’est  pas  la  pornographie, mais l’art  de   l’amour  physique – de  sa  définition, de  sa  contemplation  et  de sa consommation. Aussi te souhaiterai-je toujours un partenaire faisant déjà l’amour avec ton esprit, avec ton âme, cependant qu’il te dit les mots qu’il faut pour éveiller ton corps, mais lentement, mais savamment jusqu’à retarder l’orgasme le plus longtemps possible. Tu n’auras jamais été pour moi un « mauvais investissement ». Alchimiste avoué, systématiquement je recycle absolument tout ce qui peut découler d’une situation en apparence désolante. Et puis, faux naïf, je me repais de ce mot savoureux de Georges Courteline : « passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est une volupté de fin gourmet ».

Pour ce qui est de l’amour, du véritable amour, plus qu’il ne se dit surtout il se manifeste. Laisse ton cœur mener la barque de tes rêves, il te conduira vers la réalité qui te convient ! Et puis, relis Anthony de Mello ! Quant à moi, j’ai un cœur polynucléaire, Nounou, alors il s’y trouve une place pour toi et pour la vie, si telles sont les vues de la Conscience Universelle. Laissons le Grand Architecte de l’Univers nous préciser, quand il Lui plaira  - et si cela Lui plaît - les modalités subtiles de cette association !

Je t’ai offert les trois livres de chevet qui m’auront fait le plus évoluer : « Quand la Conscience s’éveille », « Appel à l’amour » d’Antony de Mello (Albin Michel, Espaces libres) et « Les Quatre accords toltèques » de Don Miguel Ruiz (Editions Jouvence). J’aurais voulu être l’auteur de tels trésors, aussi me suis-je engagé à les diffuser autour de moi chaque fois que j’en ressentirai la demande tacite. Ces trois livres de vie t’engageront à faire le choix entre la domestication et l’aliénation, ou la conscience et l’existence.

 

 Que le Dieu Miséricordieux  t’éclaire et te protège !

Dijon, Mai 2010

 

 

(Extrait de « CŒUR SANS FRONTIÈRE »

www.nicolas-sylvain.jimdo.com

(Format PDF téléchargeable)